Pasteur à la PCi, ça donne quoi ?

Depuis le 10 avril, en raison de la crise sanitaire liée au coronavirus, je suis mobilisé à la protection civile de Lavaux-Oron, apportant ainsi ma pierre à l'édifice de la lutte contre ce virus déshumanisant et qui coupe des liens. En effet, mon commandant a même eu l'extrême bonne idée de créer une cellule de soutien psychologique et de m'y intégrer avec d'autres écoutants, professionnel (thérapeute) ou non, en valorisant nos compétences du civil. Ainsi je peux me mettre au service.

Prendre soin


La mission? Prendre soin des astreints. Car quand on est menuisier, mécanicien ou informaticien et qu'on est parachuté dans le monde de l'EMS qui rime souvent avec vieillesse, sénilité aussi parfois et bien évidemment mort, c'est souvent bien déroutant. Stressant. Voire carrément flippant. En effet, pour la plupart, c'est véritablement un nouveau monde que les astreints découvrent, une "expédition" qui les placent bien loin de leur zone de confort (souvent avec des missions de soutien et d'appui, tant logistique que dans l'animation ou le service

dans les EMS, voir ce reportage de la RTS sur l'engagement des Pistes dans les EMS). Notre société stakhanoviste et économiste évacue la question du grand âge et la mort pour essayer de les confiner ailleurs: pas de bol, le virus nous y ramène. Voilà en tout cas un bienfait de ce confinement des EMS et de cet engagement de la PCi dans ces lieux de vie: nous devons (ré)apprendre à tisser des liens entre générations, tout en nous coltinant des questions qui dérangent (comme celle de la sénilité ou de la mort).

Je passe donc mes journées à aller trouver les astreints sur le terrain, à les écouter, à les accompagner du mieux que je peux. A prendre soin d'eux pour leur permettre de vivre au mieux la mission qui leur a été confiée dans ce lieu si "malaisant" pour certains. Ce qui donne lieu à toute sorte d'échanges, sur ce qu'ils vivent, sur les questions qu'ils se posent, sur la façon dont ils peuvent aborder leur mission. Et parfois, aussi, rarement disons-le tout de suite, sur des questions existentielles. Sur Dieu. Sur la maladie. Sur la mort. Mais avant tout, cette démarche s'inscrit dans tout ce qu'a toujours fait Jésus: soigner le lien, être proche de ceux qui sont dans le besoin. Et prendre soin.

Témoigner à ma façon

Car si je ne suis pas officiellement "aumônier", les astreints me connaissent et savent que je suis pasteur. Certains m'appellent même affectueusement "padre". Ces discussions sont pour moi une occasion de témoigner à ma façon de ma foi, suivant ainsi le commandement d'amour de Jésus:

"C'est à l’amour que vous aurez les uns pour les autres que tous vous reconnaîtront comme mes disciples." (Evangile selon Jean 13,34)

Au fond, c'est un travail très pastoral, dans le sens de "berger", que je fais à la PCi: débriefer, écouter, encourager, rassurer, accueillir, parfois aussi faire de la médiation, sans oublier parfois être la courroie de transmission sur le terrain entre le commandement de la PCi et les directions d'EMS. C'est aimer l'astreint sur le terrain comme notre prochain. C'est témoigner là où je suis envoyé (un peu à la manière du Christ ressuscité à Emmaüs dans la capsule ci-dessous). Bien sûr, je ne suis pas là pour faire du prosélytisme et bien évidemment que je reste ouvert à chacune et chacun. D'ailleurs c'est assez marrant qu'un des plus beaux échanges a eu lieu avec un musulman... Le respect et l'ouverture sont deux valeurs de base de mon engagement.

Alors bien sûr, à chacun sa mission, la mienne est actuellement dans la protection civile. Et vous, comment prenez-vous soin des autres dans ce temps de confinement ? comment témoignez-vous de votre foi ?

Prenez soin de autres et comme on dit ces temps: prenez soin de vous!

NB: sur le même thème (ou presque), lire l'excellent article de mon collègue théologien Elio Jaillet sur son engagement à la PCi.