Une Eglise accueillante, vraiment ?
Lecture de Ruth 2, 1-16
Lecture de Hebreux 13, 1-3.5-6
Prédication :
«Enfants d’un même père, une invitation à l’amour et à l’accueil »
Chers frères et
sœurs,
Quand vous rencontrez
un étranger, comment réagissez-vous ? Oh un étranger, ce n’est pas
forcément quelqu’un qui nous vient d’un autre pays, mais c’est peut-être
d’abord quelqu’un « d’étrange » pour moi, entendez par là quelqu’un
qui me semble étrange, à moi, à ma culture, à mon environnement. Quelqu’un de
« différent », en somme.
Et de l’autre côté, ça vous est déjà arrivé de débarquer dans un milieu qui vous était « étranger » ? Comment vous étiez-vous senti ?
Cette semaine,
j’étais en Angleterre pour une semaine de formation continue sur les « Fresh
expression of Church », des impulsions nouvelles ou
« fraiches », « rafraichissantes » disons plutôt, pour
les Eglises. Les formateurs ont commencé par nous montrer cette publicité que
je vous partage ce matin.
On en rigole, mais ce n’est pas vraiment drôle d’être un étranger pour
d’autres, ou de débarquer dans un environnement étrange pour nous. Et pour l’Eglise, que peut signifier cette
publicité ?
Etre étranger, cela
peut aussi être quand, à l’Eglise, débarque quelqu’un d’extérieur, qui ne vient
jamais à l’Eglise. Peut-être pourrait-il dire ceci : « Mais qu’est-ce
que je fiche là avec ces mots qui me paraissent d’un autre temps, ces habitudes
et ces codes qui me sont étrangers ? » Aujourd’hui, nous en sommes
arrivés à un point où la culture religieuse fait tellement défaut dans la
majorité de la population qu’un fossé s’est créé entre les personnes qui
connaissent et ont baigné dans une culture religieuse, et les gens qui y sont
totalement extérieur. Ce sont les étrangers modernes !
Alors quand quelqu’un
peut-être un peu étrange pour nous, les personnes habituées à l’Eglise,
débarque dans un milieu qui lui semble étrange, voire hostile comme on le voit
dans la publicité, que fait-on ? On les regarde comme ces gros durs
regardent ces couples débarquer, l’air de dire : « si tu veux venir
chez nous, faut t’adapter, adopter nos codes, mettre des tatouages et boire de
la bière » ? Ou bien on leur ouvre une porte, un chemin, pour les
aider à venir au cœur de la communauté pour qu’ils puissent eux aussi découvrir
ce que l’on a de plus précieux : l’Evangile ?
Car vous êtes d’accord,
il en faut du courage, de l’abnégation voire de la témérité pour oser faire le
pas, et franchir ce fossé culturel pour aller à l’Eglise! De la même manière,
il est faut du courage pour oser quitter son pays, sa culture, pour essayer de
s’intégrer dans une autre culture. Certains n’ont pas le choix. Comme Ruth.
Alors oui : comment accueille-t-on dans notre paroisse, dans nos villages, dans nos réseaux, l’étranger, celui qui nous est « étrange », ou celui pour qui nous sommes « étranges » ?
Dans le livre de
Ruth, Booz montre la voie à suivre : il sait accueillir Ruth dans toute
son humanité, parce qu’il a compris ce qu’elle avait fait. Accueillir, ce n’est donc pas juste être gentil sympa bonnard avec la
personne qui croise ma route, c’est surtout chercher à comprendre son parcours
de vie qui fait de cette personne une sœur ou un frère en humanité. Me mettre à
sa place et me sentir proche d’elle ou de lui va m’aider à l’accueillir
pleinement, à lui ouvrir des chemins pour s’intégrer.
Après, vous me direz
peut-être : « mais en fait ce n’est pas une spécificité chrétienne
que d’accueillir les autres êtres humains ! ». Oui et non. D’une
part, bien sûr que les chrétiens ne détiennent pas le monopole de la
solidarité, et heureusement ! Mais d’autre part, il faut bien se rendre
compte que ce qui est à la base de notre solidarité et notre ouverture à celui
qui est « étranger », c’est bel et bien cette reconnaissance de notre
filiation divine. Oui, dans ce que je crois, Dieu est Père pour chacun de nous,
quelle que soit notre origine, culture, et même religion ! Dès lors, en
tant qu’enfant d’un même père, en tant que frères et sœurs en humanité, nous ne
pouvons que nous sentir concernés par ces étrangers qui nous sont en fait
proches par le lien que nous avons à Dieu !
Mais Dieu veut plus
encore que juste se sentir concernés par ces étrangers. Dans l’épître aux
Hébreux, on nous demande de pratiquer l’hospitalité, d’être accueillant,
ouvert, prêt à aimer celui ou celle qui nous est « étrange ». Oui
Dieu nous invite à persévérer dans
l’amour fraternel. Pas juste pratiquer l’amour fraternel, mais « persévérer »
dans celui-ci. J’aime ce mot « persévérer ». Il nous rappelle que
l’amour de ce qui nous est étrange, de celui qui est différent de moi, n’est
pas simple. Et cela peut commencer par l’amour de mon voisin qui n’a pas les
mêmes habitudes que moi ! Vous le savez, Dieu est ce Père aimant pour
chacune et chacun de nous, quoi que nous ayons fait dans notre passé, quelle
que soient nos fautes, nos difficultés, Dieu nous aime ! Et c’est une
bonne nouvelle ! Oui mais cela ne s’arrête pas là. Il y a une suite. En
prolongement de son amour, Dieu a besoin de nous, pour transmettre son amour
dans le monde. Et pour cela, Dieu nous demande de persévérer.
C’est pourquoi dans
l’épître aux Hébreux, nous sommes appelés à pratiquer l’hospitalité, à se
souvenir des prisonniers, de ceux qui sont maltraités, de ceux qui souffrent.
Car Dieu n’a pas d’autres mains que les notre pour agir dans ce monde. Oui
chers frères et sœurs, nous sommes appelés à être les anges de Dieu ! Oh ne me comprenez pas mal, nous ne
sommes pas appelés à être des êtres parfaits, ou des Mimi Mati en puissance.
Non le mot « ange » renvoie en fait au « messager ». Nous
sommes appelés à être les messagers de Dieu dans le monde, ses amabssadeurs. N’oubliez pas de pratiquer l’hospitalité,
car en l’exerçant, quelques-uns ont sans le savoir accueilli des anges. (…)
contentez-vous de ce que vous avez ; car Dieu lui-même vous a dit :
Je ne te délaisserai point, je ne t’abandonnerai pas. C’est cela le cœur de
la mission chrétienne : accueillir les bras ouverts celui qui est nous est
« étrange » pour lui signifier l’amour de Dieu, pour être pour lui un
signe de cet amour inconditionnel. Comment voulez-vous que des gens sans
culture religieuse puissent découvrir le trésor de l’Evangile s’ils n’arrivent
pas à franchir le seuil de l’entrée de l’Eglise ? Ouvrir des portes,
ouvrir nos cœurs, pour accueillir pleinement notre frère ou notre sœur en
humanité.
Et plus encore !
L’idée des Fresh expressions of Church n’est pas d’attendre que les gens
viennent, mais nous invite à aller vers l’extérieur
pour construire avec eux! A la suite de Luther et des réformateurs qui
parlent du sacerdoce universel, nous pouvons dire que nous sommes un peuple de
prêtres, et au sein de ce peuple vous êtes tous des pasteurs en puissance, des
anges de Dieu, qui pouvez accueillir l’étranger et lui parler de ce trésor
qu’est l’Evangile.
Alors chers frères et
sœurs, allez et aimez ! Quand vous rencontrez quelqu’un d’étrange,
repensez à cette pub, imaginez ce qu’il peut ressentir et aimez-le ! Allez
accueillir celui ou celle qui vous semble étrange et montrez-lui combien
l’amour de Dieu est grand !
Amen
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