Discours de promotion 2018 : Nini ou Panini

Monsieur le Directeur,
Mesdames et Messieurs les Municipaux,
Mesdames et Messieurs les enseignantes et enseignants,
Et surtout, Mesdames et Messieurs les élèves, qui vous préparez à être dans quelques instants « certifiés »,

En tant que pasteur responsable jeunesse dans notre belle région Lavaux,  c’est une joie de prendre la parole lors de cette heureuse occasion et merci de m’avoir donné 45 minutes pour cette prise de parole. 
Heureux le pasteur qui comme Calvin peut donner un message pendant 45 minutes. (un temps) Plus sérieusement, rassurez-vous, je ne ferai pas la batoille et mettrai en pratique ce que m’a enseigné mon maître de stage il y a plusieurs années sur la longueur idéale d'un message: un discours doit toujours être comme une mini-jupe : assez courte pour attirer l'attention mais assez longue pour couvrir le sujet !

Ainsi, en écrivant ce discours, bien que je susse que vous eussiez héroïquement supporté de longues circonvolutions alambiquées et absconses, j’ai décidé de parler d’un sujet qui a fait l’actualité du printemps jusqu’à aujourd’hui… je veux parler bien sûr… non pas de mort de Johnny… non pas du mariage princier… non pas de la Coupe du Monde (mais on se rapproche)… non je veux parler des autocollants Panini. Vous savez, ces vignettes que l’on s’échange avant chaque Eurofoot ou Coupe du Monde, ceux qui coûtent bonbon, si j’ose dire, mais qui s’arrachent comme des petits pains (ça tombe bien, pour des panini). Ces autocollants ont depuis longtemps dépassé tous les phénomènes de mode, de la fameuse collection de timbres de grand-papa aux handspinner qui faisaient rage l’an passé je crois.

Les panini, me disait un ami sur FB, « c’est cher, ça génère une quantité ahurissante de déchets, sans parler des conflits et des frustrations liés aux échanges dans les cours d’écoles. Tout ça pour un album qui finira au fond d’un placard (dans le meilleur des cas).  Je suis… Perplexe. »

Et pourtant. « Nous sommes tous des Panini », titrait Boris Senff, chef de la rubrique culturelle de 24 heures. Un chanteur bien connu aurait pu lui aussi chanter : « on a tous en nous quelque chose d’un panini… »

682 étiquettes à collectionner, avec des têtes parfois ahurissantes, parfois effrayantes, parfois retouchées. Je me rappelle d’une collection en 1990 pour le Mundial en Italie pour laquelle nous avions imaginé avec mon frère faire une compétition pour décider de « la tronche du siècle ». Higuita, le gardien colombien fantasque au visage simien , l’avait remportée haut la main.

Une galerie photographique, donc, comme un reflet de l’humanité mondiale, d’une part. Frénésie pour des bouts de papiers autocollants comme un reflet de la « starisation » de notre société qui vénère les célébrités, d’autre part. Mais notons que ce ne sont pas uniquement les stars qui sont sur le panini, mais tous les joueurs. Y compris ceux de l’Iran, du Pérou ou du Panama dont même le plus grand amoureux de foot que je suis n’a jamais entendu parler. Tous ont leur visage. 



Et les visages comptent. Car ils nous marquent. Prenez le temps de regarder votre vosin, votre voisine. Son visage. Et fermez les yeux un instant. Ce visage vous reste. Vous pouvez aussi penser à une personne bien aimée. Votre prof de classe par exemple. Les visages comptent. Et on veut pouvoir s’en souvenir.

De tout temps, l’être humain a voulu laisser sa trace sur terre. Et vous, chers jeunes, comment le ferez-vous ? J’aime m’adresser aux catéchumènes avec cette petite question : quel sens veux-tu donner à ta vie ? Petite question… que veux-tu en faire pour qu’à la fin de ta vie tu puisses te retourner et te dire « j’ai eu une belle vie » ? Devenir riche ? Devenir célèbre ? Etre heureux ? Apporter de la joie ? Aider ? Aimer ? Vis ta vie, oui, mais fais-en quelque chose de beau et de bon, pour toi et pour les autres ! Vis ta vie, comme avec les panini…

Car les panini, c’est un peu comme la vie dans notre société: c’est une course, une compétition, individuelle, les uns contre les autres, c’est acheter achter acheter tellement que même le géant orange s’y est mis. Le groupe québécois « Les cowboys fringants » le chantaient  d’ailleurs ici même en concert il y a environ 4 semaines : 

Venez célébrer cette Grand-messe / Vous vous sentez inutiles ? 
Consommez ! On a du stock / Pour combler l'trou de vos vies serviles ! 
(…) 
Finis les temples et les églises / Ceux de notre civilisation 
S'ront à la gloire des marchandises / Et du Dieu d'la Consommation 

Les Panini ont donc eux aussi, comme la force, leur côté obscure : compétition quitte à écraser les autres, star-system quitte à oublier les petites gens, consommation quitte à détruire la planète, etc.

Mais les Panini ont aussi leur côté lumineux et c’est là le paradoxe : dans une société individualiste qui cherche SON PROPRE bonheur, son propre succès, la course aux Panini ne peut se remporter seul. Elle force à l’échange, à créer du lien dans la rencontre, à s’entraider. Belle leçon de vie. Il y a quelques semaines, un « ami » sur FB que je sais de condition assez modeste, a débuté une collection de panini pour sa fille de 9 ans. Quand j’ai vu le nombre qui lui manquaient, je lui ai envoyé quasiment la moitié de mon tas de doubles afin de lancer sa collection. Trois semaines plus tard, je recevais un courrier à la maison avec une 30aines de vignettes qui m’ont permis de quasiment terminer ma collection avec ce petit mot : 

Un jour un homme bon a dit
Donne et tu recevras
La suite de ses paroles tu les connais mieux que moi
Alors en réalité c'est moi qui te remercie de m'avoir donné autant de carte au moment que j'en avais aucune à t'offrir 
Ce n'est qu'un juste retour des choses
Ou autrement dit je paye ma dette d'honneur ;-)

Donne… et tu recevras. C’est ce que je vis chaque jour dans mon ministère de pasteur, de jeune papa, de mari, de fan de foot. Donne et tu recevras. Un message pour vous aussi chers jeunes, une invitation à donner de vous-mêmes d’abord. De votre personne. De vos qualités. Partagez. Un peu comme sur FB, partagez ! Partagez les panini ou plus profondément partagez ce qui vous avez en vous !

Car n’oubliez pas cette citation d’Albert Schweizer, ce médecin protestant, qui a dit: « Le bonheur est la seule chose qui double si on la partage ! »
A vous de mettre cela en pratique, c’est bon pour vous. Meme s’il paraît que Florent Pagny nie. (oiseau sans nid c’est un pas nid nid)

Merci pour votre attention et une belle fête à chacune et chacun !

(Discours prononcé à Pully, les 5 et 6 juillet 2018)

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