EXIT: sortez-moi de là !

Le 17 juin, la votation à laquelle nous sommes invités à participer ne sera pas banale. Plus qu'une votation, c'est un choix de société que le peuple vaudois est appelé à faire en se prononçant à la fois sur l'initiative d'EXIT (en deux mots : pour que les EMS doivent obligatoirement accepter l'assistance au suicide en leur sein et à la fois sur le contre-projet du Grand Conseil, plus développé, plus pondéré, plaçant quelques garde-fous ici et là, alors que l'initiative reste silencieuse sur bien des aspects.

Un vide juridique à combler

Aujourd'hui, le flou règne autour d'associations comme EXIT qui permettent de vivre un suicide assisté. Celles-ci profitent du vide juridique en lien avec l'art. 115 et mettent en avant le droit des clients... euh pardon des patients, à la dignité. Mais qu'est-ce qu'une mort digne ? les soins palliatifs, où l'on accompagne les malades en soignant leur confort, ne sont-ils pas, aussi, une fin de vie dans la dignité ? Comme disait un de mes collègues: EXIT n'a pas le monopole de la dignité !


La politique du salami
En même temps, il me semble que nous ne pouvons pas rester insensible à certains cas, à certaines histoires, à certaines maladies, à la suite desquelles nous pouvons bien imaginer l'envie de partir. Oui, certains cas. Mais il s'agit de bien faire attention à ce que l'on pourrait appeler "la politique du salami": on donne la main et c'est le bras qu'ils veulent finalement prendre. Oui la crainte m'habite que l'on aille toujours plus loin, que les garde-fous soient toujours moins grands, que l'on arrive finalement à ce qui se fait en Belgique ou aux Pays-Bas (euthanasie active!). Le danger de glissement est tellement grand qu'il s'agit de bien rester attentifs. EXIT prône une affaire strictement individuelle (dans son initiative, c'est une décision qui se prend uniquement entre les clients... euh pardon des patients et le médecin d'EXIT), mais n'est-ce pas aussi une affaire communautaire (soins, famille, société, etc.)?

La valeur de la vie

Finalement, en tant que chrétien, j'ai envie de poser la question du sens de la vie. D'où venons-nous, pourquoi sommes-nous sur terre ? Si la vie vient de Dieu, avons-nous le droit de tuer ? Et si l'on tue ainsi (ou si l'on aide à tuer, ce qui revient un peu au même), quelle valeur donne-t-on à la vie ? quel message donne-t-on à nos aînés ?

Oui, le 17 juin, notre société du canton de Vaud donnera un message: sur notre société, toujours plus individualiste et cherchant à tout maîtriser, sur nos liens communautaires, existants ou faibles, sur la valeur de la vie et de nos aînés. 75 % de notre population semble en faveur de l'assistance au suicide. Et vous?

Le 17 juin, il faut voter. Pour la dignité de notre société.

Quelques liens avec des extraits vidéo:
1. Pierre-Yves Maillard défend les garde-fous du contre-projet (50'')
2. Le Dr Sobel apporte quelques précisions au 12:45 (2'37'')
3. Emission "faut pas croire" de la RTS, débat (23'30'')

Commentaires

  1. Stratégiquement, on peut se demander s'il ne vaut pas mieux voter pour le contre-projet malgré nos réticences pour l'assistance au suicide: en effet ce dernier donne un cadre légal qui fait défaut actuellement et surtout il y a fort à parier que de nombreuses personnes vont accepter cette initiative... Mais cela reste un choix extrêmement difficile à faire.

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  2. malgré tout les arguments que je comprends...malgré la souffrance que peut engendrer ces maladies...je ne peux me résoudre à accepter cette assistance,j'ai l'impression que c'est un pas de plus dans notre besoin d'humain de tout contrôler et de vouloir jouer un peu plus à Dieu

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    1. Oui, je trouve terrible ce besoin de maîtrise constant dans notre société. J'avais d'ailleurs fait un culte sur ce sujet: on veut tout savoir, tout connaître (y compris le jour de notre fin, cf Mt 24,1-3), tout maîtriser. Et si l'on acceptait qu'avec la vie parfois tout nous échappe, nous file entre les doigts comme un ruisseau dans nos mains?

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  3. Sylvie Dépraz16 mai 2012 à 00:58

    Je crois à la liberté responsable que Dieu offre et, dans cette perspective, j'ai le devoir de m'interroger sur le bien fondé et la validité des incitations à recourir à l'assistance au suicide qu'induisent, à mon sens, pas seulement Exit mais les progrès de la médecine auprès des patients en fin de vie.
    Les questions et les peurs de mon papa, m'ont permis aussi de mesurer à quel point il a été important pour lui et pour nous de lui assurer une qualité de fin de vie, en le gardant à son domicile. Son hospitalisation aurait peut-être permis de prolonger son existence de quelques mois, mais c'eut été l'emmener dans un chemin trop lourd qui aurait été au-dessus de ses forces et aurait suscité bien des souffrances morales et physiques. J'ai accepté mon impuissance et me suis préparée à la séparation.
    Le médecin a eu une relation privilégiée avec lui, mon père nous a volontairement tenu à distance. J'ai du apprendre à respecter le secret professionnel et accepter les choix de mon père-
    S'il y a un désir de liberté d'anticiper sa mort, de choisir le jour et l'heure de son départ, s'il y a une recherche de dignité dans la maîtrise de sa mort, dans le refus de sa propre déchéance, aujourd'hui, pourtant je discerne une plus grande dignité, une force que j'admire dans l'acceptation de la réalité.
    Cela nécessite l'acceptation de la mort faisant partie de la vie, l'acceptation de notre impuissance et des limites à respecter. Il n'y a plus que très peu de morts naturelles, la plus grande partie sont des morts médicalisées nécessitant à un moment ou à un autre un choix !
    Dès lors, le suicide assisté ou la vie à tout prix ? reste toujours pour moi, une question ouverte à laquelle seules les circonstances particulières de chaque fin de vie, permettront d'apporter une réponse, la plus nuancée possible et impérativement empreinte de l'amour que j'ai reçu de Dieu.

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    1. Merci pour ce témoignage incarné, Sylvie. C'est vrai que cela reste une question, et surtout que je ne me considère pas en mesure de juger. Mais pour moi, le fait que notre vie vient de Dieu lui donne de la valeur, et empêche qu'on la traite légèrement.

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    2. Beau témoignage, Sylvie!! C'est si vrai que chaque situation est particulière et intime...
      La vraie liberté, c'est de discerner tous ensemble un chemin pour la personne qui s'en va et de mettre des mots sur notre impuissance!

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    3. En cela, je suis pleinement d'accord avec toi et surtout que nous nous donnions les moyens d'accompagner.Je crois fortement à la nécessité d'apporter un accompagnement spirituel, en étant motivée et habitée par la tendresse, associée à une équipe médicale solidaire avec notre démarche de soutien. Je crois aussi que la vie est un cadeau de Dieu et que cela lui donne une valeur inestimable.
      Partir les yeux ouverts en acceptant le temps donné pour l'ultime passage, c'est un merveilleux cadeau offert à ceux qu'on aime. Une paix, un rayonnement transmis à ceux qui restent. C'est parfois accepter l'inéluctable ! Chemin qui reste difficile.

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  4. Encore un lien si le coeur vous en dit...Travail que j'ai pondu suite a différentes rencontres à l'aumônerie du CHUV
    www.pfarrverein.ch/dok/551

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    1. Merci beaucoup Anne-Sylvie, c'est génial! Je vais essayer de lire ça quand j'aurais le temps ;-)

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  5. Je comprends que certains soient opposés au suicide assisté, et que ces personnes s'abstiennent de toute aide à un tel geste. Mais pourquoi vouloir refuser à des personnes pour qui la vie n'est plus que souffrance le droit de mettre fin?

    Je crois fermement que, si ma vie est un don de Dieu, cela signifie qu'il me l'a donnée et que donc moi seul ai le droit d'en disposer. Je n'ai ce droit que pour moi, et pas pour la vie des autres.
    Il y a une énorme différence entre tuer quelqu'un et l'aider à mettre fin à ses jours: c'est le principal intéressé qui prend la décision!
    Par conséquent, je crois plutôt que ce sont les personnes qui souhaitent mettre des obstacles au suicide assisté qui s'interposent entre la personne concernée et sa liberté. Donc entre Dieu et lui. Au nom de quoi aurais-je le droit de condamner quelqu'un à des jours, des semaines ou des mois de souffrances supplémentaires, si cette personne a fait un autre choix?

    Il y a bien sûr des précautions à prendre, qu'à ma connaissance EXIT prend systématiquement (au contraire d'autres associations comme Dignitas). Le contre-projet augmente ces précautions, avec le risque qu'une seule personne, par principe, puisse bloquer le processus.

    Une chose encore: les soins palliatifs ne sont que très partiellement une alternative au suicide assisté, car les souffrances morales et surtout le fait de voir sa propre déchéance augmenter irrémédiablement ne peuvent guère être soulagés par des médicaments.

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    1. Je te rejoins sur certains cas: de quel droit pouvons-nous juger de la situation d'autrui, de sa souffrance. Comme le disait Sylvie, nous ne pouvons qu'accompagner ces personnes dans leur choix.

      Ceci dit, ce qui me fait peur avec cette initiative, c'est la banalisation de la mort, tout comme la manière de considérer que l'on a le droit individuellement de choisir pour soi. Il me semble en effet que d'une part, cette initiative est dangereuse car elle est la porte ouverte à des dérives; et d'autre part que nous sommes des êtres de relations et qu'une telle décision, si elle doit ne pas être prise à la légère, doit surtout être prise dans un tissu de relations. Trop souvent je trouve que celui qui désire mourir pense à lui et trop peu à son entourage, etc.

      Maintenant, cela ne veut pas dire que je pense que l'assistance au suicide doivent être proscrite, non je peux tout à fait comprendre que cela puisse être une libération pour quelqu'un doit la vie est un poids. Mais où situer la (nécessaire) limite ? Comment en fixer une ? C'est délicat... C'est bien pour cela, me semble-t-il, que le politique peine à prendre position sur ce sujet émotionnel, bien que ce soit avant tout une question éthico-politique, un choix de société.

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  6. Je ne connais personne qui puisse prendre une telle décision à la légère. Celles et ceux qui l'ont fait, à ma connaissance, ont longuement pesé le pour et le contre, et la plupart l'ont fait avec leurs familles, qui ont accepté de les laisser partir.
    À mon sens, il n'y a pas là de banalisation de la mort. C'est plutôt un apprivoisement, et ça rejoint l'accompagnement que j'ai envie d'offrir aux personnes en fin de vie, que le suicide assisté soit envisagé ou non.

    Je peine à comprendre l'argument du salami et de la porte ouverte à des dérives. Car alors il faudrait refuser d'entrer en matière sur le service civil (risque de démanteler la souveraineté nationale...); sur l'abaissement de la majorité civique ou sexuelle...
    Attention: nous allons voter sur une question: faut-il permettre aux personnes qui le désirent de mettre fin à leurs souffrances dans le cadre d'un EMS? Tant qu'on autorise le personnel de l'établissement à rester en-dehors de l'acte, je ne vois pas où sont les risques de dérive, sinon dans nos propres peurs.

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    1. Bonjour Jean-Jacques. Je suis sensible à vos arguments car ils relèvent de l'émotion que suscitent le débat et seront probablement ceux des 75% dont parlait Benjamin.

      Dans le cadre d'un travail universitaire, j'ai beaucoup étudié le sujet. Je vous livre quelques remarques.

      Où est le risque de dérive, écriviez-vous ci-dessus ? Je vous suggère de vous renseigner sur les EMS des Pays-Bas où ce droit est en vigueur et où des personnes âgées FUIENT de plus en plus nombreuses, souvent clandestinement, des établissements qui devraient être des lieux où l'on veille sur la vie et non des lieux où l'on peut donner librement la mort.

      Je vous suggère aussi de creuser davantage les motivations d'EXIT, et particulièrement du Dr Sobel. Le but non avoué d'EXIT est une libéralisation totale de l'assistance au suicide pour qu'un jour, par exemple, un adolescent en plein chagrin d'amour et qui veut en finir avec la vie puisse venir trouver EXIT et avoir son cocktail, lui aussi. Cela a été dit par le bon docteur, hélas hors antenne en coulisse d'une émission de la TSR jadis. Mais je peux vous fournir un témoin.

      Enfin, interrogez-vous sur l'aspect non lucratif d'EXIT - rappel : l'article déjà inscrit dans notre constitution insiste sur le fait qu'une assistance au suicide doit être sans aucun but lucratif. Additionnez les cotisations annuelles de tous les membres d'EXIT (35 - 40 francs par année et par personne, multipliés par les 17'004 adhérents à ce jour, cela fait un revenu de 637'650 francs en moyenne par année. Sachant que la dose léthale coûte une cinquantaine de francs, et que la consultation chez le médecin ne peut, normalement, être facturée dans ce cas, il vous reste à demander à EXIT de présenter ses comptes... ce qu'EXIT refuse de faire, bien évidemment.

      Oui, Jean-Jacques, il y a des risques de dérive. FORT INQUIETANTS, qui plus est. Mais nos journaux les taisent. Vos arguments sont humains. Mais renseignez-vous. Les choses sont bien plus moches qu'on ne veut bien vous les présenter.

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    2. Sylvie Dépraz24 mai 2012 à 21:37

      J'ai lu avec attention votre réponse à Jean-Jacques.Je comprends la grande inquiétude qui vous habite face à des risques de dérive.

      Je comprends et en même temps, je me demande si on ne met pas sur les épaules d'Exit le mal être existant, aujourd'hui, dans notre société. Rappelons que nous avons un des taux les plus élevés de suicide, particulièrement chez les jeunes.
      Nous sommes à l'air de la communication et pourtant la solitude ambiante est de plus en plus grande.
      Alors, ce qui m'inquiète et me préoccupe c'est bien l'absence de communauté aimante, serviable, écoutante qui me laisse imaginer que lors d'une rupture, d'un décès, d'un coup dur Exit soit le seul lieu vers lequel les personnes touchées, pourraient se tourner.

      Je sais qu'aujourd'hui, Exit a des critères bien précis pour accéder à une demande, que le décès d'un proche parent par exemple ne leur permet pas d'entrer en matière. Il y a aussi un délai dans le temps qui fait que parfois le demandeur a le sentiment de devoir attendre dans une souffrance insupportable.

      Je reste convaincue que c'est une question difficile et qui d'un côté comme de l'autre touche à l'émotionnel.

      Je souhaite de tout mon coeur, que nous apprenions à être auprès de souffrants, dans cette impuissance qui peut nous habiter dans ces moments là, être là simplement sans avoir de mots pour les différents maux mais pour casser un tout petit peu la solitude ! A nous sentir coresponsable de l'attention au plus faible....je sais que c'est tout un chemin, chemin difficile et que parfois je suis la première à avoir envie de fuir

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  7. http://www.latrompette.net/post/A360_suicide.htm

    J'ai trouvé ce texte que je trouve convaincant contre le suicide.

    J'apprécie particulièrement le rapprochement du commandement de ne pas tuer avec la genèse quand il est dit que l'homme a été fait à l'image de Dieu.

    J'avais souvenir que Jésus parlait avait eu mentionné le suicide, mais je n'ai pas retrouvé, donc je cherche toujours.

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