Face au mal radical, garder l'espérance (prédication du 3 août 2014)

Lectures bibliques
- Apocalypse 13,1-9
- Romains 8,35 et 37-39
- Jean 8,12 

Chers frères et sœurs en Christ,

Je ne sais pas vous, mais parfois j’en ai juste marre. Marre de toute cette violence entre les religions, notamment en Irak. Marre de cette haine qui déchire les peuples au Proche-Orient et qui les mène dans une voie sans issue. Marre du mal sourd et violent qui a frappé la jeune Chloé, 14 ans, ici dans notre région, à Belmont, un peu comme cela avait été le cas en 2013 avec la jeune Marie. Nous ne sommes pas ici pour parler des circonstances du décès de Chloé, ni des motivations de son meurtrier. Mais permettez-moi, chers frères et sœurs, en ce début de
prédication, de laisser éclater ma colère : oui j’en ai marre de tout ce mal qui pollue notre monde, marre de cette horreur qui nous touche tous, de près ou de loin, par ces drames, par la maladie ou la mort.  Devant tant d’horreur, tant d’impuissance, je ne peux m’empêcher de crier : « MAIS C’EST PAS POSSIBLE !!! » (un temps) « POURQUOI ??? » (silence)

Oui pourquoi le mal est-il présent ? C’est une question que nous pouvons tous légitimement nous poser aux côtés de de la famille de Chloé suite à ces deux drames. Pourquoi ?

Pourtant, cette vertigineuse question reste encore et toujours sans réponse. Le mal, qu’on le veuille ou non, est présent dans notre société. Comment, face au mal ici bas, ne pas désespérer, ou pire, perdre toute confiance, toute foi ?

L'Apocalpyse, un livre d'espérance

La Bible aussi est le reflet de ces réflexions sur le mal. Pourquoi existe-t-il ? (bref silence) Là encore, cette question reste sans réponse. Le dragon, l’antique serpent de la Genèse, lui qui représente Satan, le Diable, en bref le mal, eh bien ce dragon, dans le chapitre 13 du livre de l’Apocalypse, il est simplement là, nous ne savons pas pourquoi, mais il est là. 

Pourtant, l’Apocalypse n’a pas été écrit dans une perspective désespérée. Au contraire, ce genre littéraire est bien celui de l’espérance. Face au mal qui est bien présent dans le monde, les chrétiens qui ont rédigé ce livre placent leur espoir dans le monde à venir, le monde nouveau où le mal sera détruit. En fait, face au mal, la littérature apocalyptique est une littérature de résistance, un cri d’espérance d’un groupe de chrétiens qui refusent de plier et en appellent à la justice divine.

C’est pour cela que j’ai choisi ce texte du chapitre 13 de l’Apocalypse, passage ardu s’il en est, qui m’avait été imposé pour mon culte d’examen de consécration : pour la présence du mal, d’une part, avec le dragon qui transmet sa puissance à la Bête, mais aussi pour l’espérance.

La Bête, système bestial 

Mais cette Bête, que représente-t-elle ? Si l’on fait un détour d’abord par le livre de Daniel, puis par l’histoire des chrétiens du premier siècle nous découvrons que cette Bête est non seulement l’émanation du mal, avec son pouvoir transmis par le dragon, Satan lui-même, mais c’est également un système global, politique, économique, social. Un système déshumanisant, mortifère, qui ne respecte pas la créature de Dieu que chacune et chacun est, en un mot un système bestial. Ceci dit, et c’est là que se situe l’espérance, le pouvoir de cette bête s’exerce dans un temps limité, et celle-ci sera finalement défaite par le Christ en Ap 20 : jetée dans l’étang de feu avec le dragon et le faux-prophète.

Aujourd’hui, la Bête, ce système déshumanisant qui pousse au culte idolâtre, est présente notamment pourrait-on dire dans l’individualisme qui crée une société déshumanisée, pauvre en relations et en solidarité, et qui voue un culte au seul bonheur individuel et égoïste, qu’importent les autres, quitte à faire violence ou à se faire violence.

Car devant ce drame à Belmont me vient cette question : dans quelle société vit-on pour qu’un homme tue ainsi la fille de son ex puis se donne la mort ? (un temps) Oui notre société actuelle est bien « bestiale », en perte de repère, et le mal est pollution autour de nous et en nous. Il est un mal radical qui crée des ténèbres autour de nous et en nous.

Face à ces puissances, le message de l’Apocalypse est clair : « Que celui qui a des oreilles entende ! », nous exhorte Jean depuis Patmos, à la fin de notre passage. Car c’est bien une exhortation à résister au mal dont il s’agit ici ! Mais pour résister, nous avons besoin de lumière. Recevons donc la lumière qui nous vient du Christ en chantant « Dans nos obscurités ».

Chant "Dans nos obscurités" et allumage des cierges

Le Christ nous dit: « Je suis la lumière du monde. Celui qui vient à ma suite ne marchera pas dans les ténèbres ; il aura la lumière qui conduit à la vie ».

Ainsi, grâce à cette lumière que nous recevons du Christ, nous sommes invités à résister, face aux puissances inexplicables du mal, face aux bestialités à l’œuvre dans notre monde, comme lors du tragique drame de Chloé à Belmont, résister en transmettant cette lumière. Car la lumière, c’est le symbole de sa résurrection, lui qui, à la croix, a vaincu la mort, le symbole de l’espérance…

Cette espérance, j’en ai trouvé plein dans le livre du pasteur Antoine Schluchter, père de Marie qui a été également enlevée et assassinée en 2013 : Je te salue Marie, ma fille : 19 ans, un jour et l’éternité. Oui ce livre est une véritable mine d’espérance. J’ai été touché, ému, bouleversé, dans les circonstances de ce drame, par cette espérance qui n’a jamais quitté la famille Schluchter et par leur volonté de ne pas se laisser contaminer par le mal. « Avec mon épouse et mon autre fille, écrit-il, nous avons d’emblée choisi de refuser de nous laisser salir le cœur par la haine. Nous avons tout remis à Dieu et tenté de nous concentrer des valeurs constructives. » Oui l’espérance qui se dégage de ce livre est belle. Combien de gestes d’amour, de soutien, de prière, de générosité reçus comme autant de signe de lumière dans les ténèbres.

L'espérance chrétienne où le mal est défait

Car au fond, comme l’a dit prophétiquement le pasteur Schluchter, « le mal est fait… mais le mal (sous toutes ses formes) est aussi défait ! » (un temps) Aux obsèques de Marie, le diacre Pierre Maffli continue en disant ceci : « La défaite du mal et de son cortège d’horreur est au cœur de la foi et de l’espérance chrétienne. Lorsque le Christ a été pendu à une croix et qu’il a ensuite été ramené de la mort à la vie, nous croyons que le mal et ses conséquences abominables ont reçu le coup de grâce ! La souffrance, la violence et la mort ne pourront pas avoir le dernier mot ! »

Nous sommes ici au cœur de notre de notre espérance  chrétienne : par la résurrection de Jésus, la mort a été vaincue, c’est notre espérance qui nous permet d’aller de l’avant et continuer à transmettre à d’autres de la lumière pour résister au mal.

Rien ne pourra nous séparer de l'amour de Dieu

« La lumière pour moi, pour nous famille, elle existe, elle est depuis toujours, elle continue à nous éclairer et elle finira par briller pleinement », conclut Antoine Schluchter. Cette lumière, c’est notre responsabilité de la transmettre à nos proches, à nos voisins, aux personnes touchées par ce mal. 
Car face au mal, nous avons besoin de lumière, besoin d’espérance. Le père de Marie dit encore ceci : « En tout simplicité, je reste avec les miens accroché à la corde de l’espérance. Et je ne puis le cacher, j’ai plus que jamais à cœur que chacun ici-bas découvre qu’il est aimé de Dieu par le Christ au-delà de toute mesure et que face aux pires épreuve comme dans le quotidien le plus banal, il puisse être réconforté par ces paroles à nulles autres pareilles : ‘Rien ne pourra nous séparer de l’amour de Dieu manifesté en Jésus Christ, notre Seigneur’ »

Alors face à ce mal radical qui peut parfois nous mettre en colère ou nous laisser dans le plus grand désarroi, n’oublions pas la radicalité de l’Evangile et de l’amour de Dieu pour chacune et chacun, amour appelé à devenir lumière pour le monde. Le voici dans les mots de l’apôtre Paul : « Oui, j’en ai l’assurance : ni la mort ni la vie, ni les anges ni les Autorités, ni le présent ni l’avenir, ni les puissances, ni les forces des hauteurs ni celles des profondeurs, ni aucune autre créature, rien ne pourra nous séparer de l’amour de Dieu manifesté en Jésus Christ, notre Seigneur. »
Amen

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