Les disciples et le doudou
Prédication du 14 mai 2015 (Ascension)
Textes bibliques
• Lecture de Actes 1, 6-11
• Lecture de Marc 16, 15-20
• Lecture de Luc 15, 8-10
Texte de la prédication
Chers frères et sœurs en Christ,
L’autre jour, nous avons passé, ma femme et
moi, par un temps de crise. Oh rassurez-vous, tout va bien dans notre couple,
mais Elie, notre fils de 15 mois, pris par la fatigue, a soudain eu un besoin viscéral,
fondamental, de son doudou, sa petite peluche éléphant qu’il aime tant et qu’il
serre très fort contre lui, notamment pour s’endormir. Son doudou, ça le
rassure, ça le réconforte, ça l’aide à traverser les émotions de la journée et
à trouver le sommeil. Dans les termes médicaux, un doudou, on appelle cela un
« objet transitionnel »: « Appelé "doudou" dans le
langage courant, l'objet transitionnel peut être une peluche, un chiffon, une tétine
ou le pouce. Dans tous les cas, l'objet transitionnel revêt toujours la même fonction
: celle d'aider le nourrisson à réaliser la transition entre sa mère et le
monde extérieur. » Le problème, dans la situation de l’autre jour que je vous
contais, c’est que ledit doudou d’Elie était… introuvable. Et je vous laisse
imaginer le drame. Avions-nous perdu notre planche de salut ?
La perte, c’est un thème qui nous touche tous,
petits et grands, jeunes et vieux, avec des parfois petites, parfois grosses
pertes qui jalonnent notre chemin de vie. « J’ai perdu mes clés »,
comme moi dimanche passé juste avant le culte Clin Dieu, coup de chaud. « J’ai
perdu ma ‘mémé’ » comme cette famille d’amis que j’ai accompagnée en
faisant mardi le service funèbre de la grand-maman, coup de froid. J’ai perdu…
la foi, j’ai perdu la force, j’ai perdu la joie de vivre, comme tant de
personnes autour de nous.
Pour les disciples, on imagine bien le drame
que la perte de Jésus a dû être. Eux aussi, si l’on veut, ils avaient perdu
leur doudou version adulte… et bien plus ! D’abord quand Jésus est mort
sur la croix. Les disciples ne pouvaient être qu’abattus. Puis la nouvelle se
répand : « il est vivant, il vraiment ressuscité,
alléluia ! » Et pourtant, 40 jours plus tard, à l’Ascension, il s’en
va, définitivement. Pour les disciples, c’est encore une perte, même s’ils sont
probablement moins triste et abattus qu’à la croix, mais davantage déconcertés :
perte de ce repère qu’il était dans leur vie, perte de leur lien avec Dieu. «Comment
va-t-on faire sans lui ? », on imagine assez bien la scène et ce que
les disciples ont pu dire… Ils regardent le ciel, sans trop comprendre… « Gens
de Galilée, pourquoi restez-vous là à regarder vers le ciel ? »,
disent deux hommes en vêtements blancs. « Ce Jésus qui vous a été enlevé
pour le ciel viendra de la même manière que vous l’avez vu s’en aller vers le
ciel. » (Ac 1,11) Face à leur perte, les disciples restent, vous l’avez
remarqué, sans voix. Que faire désormais ? La question se pose avec une
certaine acuité…
Oui quand on vit une perte, que faire ? Face
à mes pertes, est-ce que je me laisse abattre ? est-ce que je pleure un
bon coup, comme Elie, est-ce que je crie ma révolte ? est-ce je reste sans
voix ? comment est-ce que je réagis ? comment est-ce que j’arrive, ou
pas, à aller de l’avant et continuer mon chemin ?
La perte, c’est évidemment un thème qui
traverse donc nos existences, mais aussi la Bible avec
notamment ces 3
paraboles de l’Evangile de Luc au chapitre 15 avec deux paraboles parmi
les plus célèbres : celles de la brebis perdue et celle du fils prodigue
ou du fils retrouvé. Plusieurs fois dans les Evangiles, nous trouvons des doublets
(deux paraboles sur le même thème), mais ici nous avons, et c’est je crois
unique dans les Evangiles, un « triplet ». Est-ce que cela veut dire que le thème est
particulièrement important ?
Entre les 2 paraboles très connues, on trouve
la petite parabole de la pièce perdue. Parabole mineure peut-être, courte, mais
là, avec sa spécificité. Quelle est-elle ?
D’abord, à la différence de la brebis et du
fils, la pièce d’argent ne s’est pas perdue par elle-même. Elle a été perdue,
on ne sait pas comment ni par qui. La perte a lieu, sans qu’il n’y ait de
coupable à accuser. C’est ainsi la parabole la moins moralisante des
trois : elle évite d’avoir un regard trop sévère à son propre égard ou à
l’égard des autres. En fait, il faut
bien avouer que nous ne savons pas toujours comment cela se fait qu’on perd,
qu’on se perd, ou qu’on est perdu.
Ensuite, deuxième différence majeure, il
s’agit d’une femme. A l’inverse du monde masculin du berger, cette parabole
touche le monde féminin de la maison. Dieu se présente sous des traits
féminins, à l’inverse du berger ou du père. D’ailleurs, la pièce n’est pas
perdue à l’extérieur (comme la brebis et le fils) mais à l’intérieur de la
maison. La maison représente ce qui a trait à la sécurité, à l’intimité, c’était
domaine des femmes pendant longtemps. Nos pertes peuvent aussi toucher notre
intérieur : et si c’était parfois à l’intérieur de nous que nous sommes
perdus ?
Face à la perte, qui est dans ce milieu
modeste de la parabole, catastrophique, avec la pièce d’argent qui représente
un salaire journalier, face à la perte donc, que faire ? Face à la perte
du Christ pour les disciples, que faire ? face à nos pertes, que
faire ?
Assez simplement, la femme de la parabole
agit. Elle allume une lampe pour y voir clair. Elle balaie
Pour les disciples aussi, leur perte déconcertante
de leur maître les met inexorablement en mouvement, en marche. Pour eux, cela signifie
aller dans la confiance. « Allez par le monde entier, proclamez l’Evangile
à toutes les créatures. » (Mc 16,15) leur dit Jésus dans l’Evangile de
Marc. Va avec confiance et sois témoin de la bonne nouvelle. Met de la lumière
dans la vie des hommes et des femmes. Balaie, mets de l’ordre dans ta vie
spirituelle et marche à ma suite. De disciples, qui m’a suivi, deviens apôtre,
mon envoyé. Avec la puissance de
l’Esprit Saint, « vous serez alors mes témoins à Jérusalem, dans toute la
Judée et la Samarie, et jusqu’aux extrémités de la terre. »
Pour nous, dans la position de ceux qui vivons
la perte, cette parabole est aussi une exhortation à nous mettre en chemin, à
faire de l’ordre dans notre maison intérieure et à aller avec confiance sur les
chemins de vie témoigner de l’amour que nous avons reçu. Aller… vers l’autre,
esseulé, retrouver celui qui est perdu, aller… à Taizé pour se retrouver, pour
faire de l’ordre dans sa maison intérieure, pour aimer, pour vivre la joie,
celle qui nous vient de Dieu. La même joie que Dieu ressent quand un homme
pêcheur admet que Dieu le cherche et se laisse trouver, cette même joie est à
vivre par le Christ retrouvé dans l’amour du prochain, dans la rencontre, dans
le partage, comme on peut le vivre à Taizé.
Ainsi, face à nos pertes, comme les disciples ont vécu l’Ascension du Christ
comme une perte, la parabole de la pièce perdue nous invite à nous mettre en
mouvement : faire de l’ordre dans notre maison intérieure et nous engager
à mettre l’Evangile au centre de nos vie pour vivre la joie des retrouvailles
avec le Christ dans l’amour du prochain. Un cheminement à vivre, donc, dans la
confiance que Dieu viendra toujours nous rechercher et nous offrir sa
consolation et sa joie. Car le vrai doudou, c’est lui, le Dieu trois fois
saint. Que sur notre chemin de vie jalonné de pertes, il nous bénisse et nous
garde.
Amen
Merci Benjamin, ce texte nous prépare pour notre passage CP à Taizé. A toute
RépondreSupprimerLorenzo